Ripostes urbaines partage le texte du collectif des occupantexs de la rue Royaume à propos d’une manifestation organisée en réaction à leur expulsion du bâtiment, une semaine plus tôt.
Vendredi 17 février au soir, plus de 500 personnes ont défilé dans les rues des Paquis en réaction à l’évacuation violente des occupant.e.x.s du 8 rue Royaume jeudi dernier, à la répression qui l’a entourée ainsi que pour afficher leur colère à l’encontre des politiques de logement antisociales que mène l’Etat de concert avec des propriétaires aux pratiques scandaleuses. Alors que la crise du logement se fait toujours plus grande à Genève, que les centres villes ne seront bientôt plus qu’un parc à bourgeois.e.s, en inculpant les occupant.e.x.s qui ont tenté de redonner vie à ce bâtiment, l’Etat a une fois de plus montré dans quel camp il se rangeait : celui de la spéculation et du profit à tout prix.
Suite à l’évacuation des occupant.e.x.s du bâtiment à l’abandon au 8 rue Royaume jeudi 9 février dernier, nous, le collectif rue Royaume, avons appelé à une manifestation le vendredi 17 février au départ de la place de la Navigation.
Cette mobilisation populaire, prendre la rue touxtes ensemble pour dénoncer la construction d’une ville qui ne profite qu’aux plus riches et privilégiés, découle d’une part de la nécessité de continuer à affirmer notre colère et rappeler nos revendications – le droit d’usage immédiat du bâtiment pour le quartier et ses habitant.e.x.s, l’expropriation de l’immeuble de ses propriétaires verreux, le retrait des plaintes pénales à l’encontre des occupant.e.x.s -, et d’autre part de l’urgence de thématiser plus largement la question du logement et de la gentrification à Genève et tout particulièrement la situation qui sévit dans le quartier des Paquis. Suite à l’occupation, la presse a en effet majoritairement relayé les faits de violences policières qui ont eu lieu, entre autres à l’encontre d’un journaliste et d’un député genevois.
Si nous condamnons évidemment ces pratiques et la présence massive des forces de l’ordre lors de cet événement, nous ne souhaitons pour autant pas limiter la portée de notre discours à ces éléments-là. L’effervescence médiatique autour de ces violences a d’une certaine façon fait passer à la trappe l’ensemble des motivations politiques qui ont mené à la présence de notre collectif sur les lieux. En prenant la rue vendredi soir, avec le soutien de nombreux signataires (voir plus bas), il s’agissait par le même temps de pointer du doigt la complicité et la lâcheté avec laquelle a agi l’Etat qui, comme à son habitude a préféré protéger des propriétaires malhonnêtes (qu’il avait lui même poursuivi en justice et qui se cachent désormais à l’autre bout de l’Europe) et condamner lourdement celleux qui l’ont mis en évidence, plutôt que de faire usage de son droit d’expropriation !
Alors, vendredi soir à 18h30, nombreux.se.x.s sont les manifestante.x.s qui se sont rassemblé.e.x.s sur la place de la Navigation. La manifestation débute par plusieurs prises de parole dont celle de SURVAP (association des habitant.e.x.s du quartier), solidarité Tattes, le groupe antirep Genève ainsi que notre collectif. Ces discours ont rappelé les raisons pour lequelles nous nous y sommes réuni.e.x.s en si grands nombre, soit lutter pour un accès à un logement digne pour touxtes, la réquisition des immeubles laissés à l’abandon par leurs propriétaires et pour dénoncer la précarisation croissante des classes populaires et des populations migrantes à Genève et aux Paquis. On note d’ailleurs la présence de trois observateur.ice.x.s d’Amnesty Internationale, ONG qui avait alarmé sur la répression policière du 9 février, en lien avec le droit de manifester.
« Pour l’abandon des poursuites contre toutes les personnes arrêtées !
Pour une ville qui soit rendue à celles et ceux qui l’habitent plutôt que laissée aux mains de propriétaires verreux et d’un Etat qui les protège !
En attendant l’abolition de la police, pour la gratuité des frais de pressing de leurs uniformes ! » (Groupe Antirep Genève)
Aux alentours de 19 heures, le cortège s’élance en direction de la rue des Alpes, rythmé par de la musique et les slogans scandés par les manifestante.x.s. Le cortège s’engage ensuite sur la rue de Berne, passe devant le temple des Paquis et se dirige vers la rue de la Navigation. Tout au long de la manifestation, des passant.e.x.s, y compris des habitant.e.x.s du quartier, viennent grossir les rangs du cortège.
Nous sommes environ 500 en arrivant à la rue de la Navigation. À l’approche du bâtiment occupé la semaine passée, le nombre de policiers anti-émeute augmente considérablement. En effet, au détour de la rue Royaume, des dizaines de robocops attendent le cortège. Celui-ci s’arrête symboliquement devant le numéro 8 afin que les différents collectifs présents puissent prendre la parole autour de cet immeuble et son histoire, qui s’est faite connaître suite à l’incendie qui l’a laissé vide il y a 2 ans. Durant les prises de paroles, quelques collages sont effectués sur le bâtiment afin de rappeler aux passant.e.x.s ce qui s’y joue et que nous ne lâcherons pas ! À nouveau, on entend rapidement crier le slogan scandé une semaine plus tôt par les occupant.e.x.s depuis les fenêtres de l’immeuble alors que la police bloque les sympathisant.e.x.s sur la rue de Lausanne :
« 1er, 2ème, 3ème étage : nous voulons tout, tout, tout l’immeuble ! »
Le cortège décide ensuite de poursuivre l’itinéraire prévu pour rejoindre la rue de Lausanne où un autre important cordon de policiers anti-émeutes les attend. La fougue et la motivation des manifestant.e.x.s leur vaudra de recevoir rapidement des coups de matraque. La banderole de tête est arrachée par la police, ce qui oblige le cortège à faire demi-tour. La police a refusé de nous laisser accéder à la rue de Lausanne prétextant ne pas vouloir perturber la circulation. Alors, quelques erraflures plus tard, déterminé.e.x.s et la sono à sa tête, le cortège ne se laisse pas faire et rebrousse chemin en direction de la place des Grottes, en passant par la rue de Berne et la rue des Alpes. Puisque que comme le disent celleux qui n’aiment pas les proprios frauduleux, jamais une sans deux : une nouvelle banderole de tête apparaît sur la route et accompagne la marche jusqu’à son arrivée !
Au croisement de la rue des Alpes et de la rue de Lausanne, un dispositif policier absolument démesuré (comprenant au moins 6 fourgons d’anti-émeutes) encadre la manifestation et bloque complètement la circulation des piétons et des automobolisites aux alentours de la gare. Alors que la rue de Lausanne semblait être d’un impératif majeur, à ne pas déranger le temps du passage des manifestant.e.x.s, devinez qui a fini par lui-même bloquer l’axe pendant plus de quinze minutes… ? Un énorme poulailler d’anti-émeutes !
La tentative d’intimidation de la police ne pouvant surpasser l’engouement et la détermination des manifestant.e.x.s, la marche se termine sans embûche jusqu’à la place des Grottes.
Plus de squats, moins de proprios !
Plus de logements d’urgences, pas de marchands de sommeil !
La ville à celleux qui l’occupent !